Le Brésil est internationalement reconnu comme une juridiction favorable à l’arbitrage. En tant que signataire de la Convention de New York, son cadre d’arbitrage est calqué sur la loi type de la CNUDCI, et ses plus hautes juridictions soutiennent et promeuvent activement l’arbitrage.
Malgré cela, la participation des entités publiques brésiliennes à l’arbitrage reste un sujet de débat, même si des réformes législatives visant à résoudre cette question ont été introduites il y a près de dix ans (lac Loi n° 13 129/2015). Ce débat en cours est illustré par le récent jugement de la Cour supérieure de justice du Brésil (STJ) dans l’affaire REsp n° 2 143 882/SP. (ETE Equipamentos de Tração Elétrica Ltda., CEBRAF Serviços Ltda. et Schneider Electric Brésil Ltda. c.União), dont nous discutons ci-dessous.
La décision du STJ dans REsp n° 2,143,882/SP
Le différend sous-jacent concernait un contrat signé en 1976 entre Ferrovia Paulista SA (FEPASA), une ancienne entreprise publique de transport ferroviaire, et Consórcio Brasileiro Europeu, une entreprise privée, pour l’électrification des chemins de fer à São Paulo. La FEPASA a ensuite été absorbée par Rede Ferroviária Federal (RFFSA), une entreprise publique fédérale. Lorsque la RFFSA a été dissoute en 2007, le gouvernement fédéral a assumé ses obligations contractuelles, y compris une convention d’arbitrage dans le contrat initial.
Lorsque RFFSA a engagé une procédure pour rupture de contrat, le défendeur a invoqué la clause compromissoire pour demander que le différend soit résolu par voie d’arbitrage. Le gouvernement fédéral s’est opposé, affirmant que la convention d’arbitrage était invalide, car il ne disposait pas de l’autorisation législative pour arbitrer au moment où il a hérité du contrat. Un Tribunal régional fédéral (TRF-3) s’est rangé du côté du gouvernement fédéral, statuant que le gouvernement fédéral ne pourrait être soumis à l’arbitrage qu’après l’entrée en vigueur de la loi n° 13 129/2015. qui autorisait expressément l’arbitrage avec des entités publiques et interdisait l’arbitrage en raison du principe de l’indisponibilité de l’intérêt public.
En appel, le STJ a toutefois annulé cette décision. Citant une jurisprudence antérieure, la Cour a réaffirmé la distinction entre l’intérêt public primaire (qui ne peut être arbitré) et l’intérêt public secondaire (qui peut l’être). La Cour suprême a soutenu que l’intérêt public concerne fondamentalement la bonne application de la loi, qui peut coexister avec l’arbitrage.
Le STJ a jugé que le Gouvernement fédéral, ayant hérité des droits et obligations de RFFSA, était lié par la clause compromissoire du contrat. Cet arrêt a confirmé la position dominante concernant la transférabilité des clauses compromissoires. Cela indique que, sauf réserve explicite dans la cession de la position contractuelle, les effets de la clause compromissoire s’étendront au cessionnaire.
En outre, la décision STJ dans le REsp n° 2.143.882/SP peut contribuer à régler le sujet très controversé de la validité des conventions d’arbitrage conclues par les entités publiques brésiliennes. avant la loi nº 13.129/2015 est entrée en vigueur.
La réforme législative et le débat persistant
Le débat sur la participation des entités publiques à l’arbitrage aurait dû être définitivement réglé avec les amendements de 2015 à la loi brésilienne sur l’arbitrage (loi n° 9.307/1996).) par la loi n° 13 129/2015. Cette loi précise que l’administration publique directe et indirecte peut recourir à l’arbitrage pour résoudre les litiges concernant les droits de propriété transférables.
Avant cet amendement, la question de savoir si les entités publiques pouvaient arbitrer leurs différends était controversée. Si des secteurs spécifiques, tels que le pétrole, le gaz et les télécommunications, disposaient de dispositions réglementaires permettant à des agences de régulation et à des entreprises publiques spécifiques d’arbitrer, il n’existait pas de règle générale pour les entreprises publiques ou les entités publiques. Les juristes et les tribunaux ont débattu pour savoir si les entités publiques avaient besoin d’une autorisation législative explicite pour arbitrer ou si la capacité de l’État à contracter permettait intrinsèquement l’arbitrage.
Au fil du temps, la jurisprudence a évolué pour permettre aux entreprises publiques de soumettre à l’arbitrage des réclamations liées à la propriété. Ceci repose sur la reconnaissance de la différence entre l’intérêt public primaire (qui implique la protection des intérêts de la société et ne peut être soumis à l’arbitrage) et l’intérêt public secondaire (qui implique les intérêts de propriété de l’État et peut être soumis à l’arbitrage), telle qu’établie dans l’arrêt. de MS n. 11.308/DF (União contre TMC Terminal Multimodal de Coroa Grande SPE S/A) par STJ en 2006.
Plus tard, en ajoutant une disposition claire sur le sujet, l’amendement de 2015 a cherché à mettre un terme à cette controverse.
Toutefois, la question refait surface dans Conflit de compétence n° 151 130 (American International Group Inc. Régime de retraite et. al. c. Câmara de Arbitragem do Mercado et. al.), décision du STJ en 2019. Dans cette affaire, les actionnaires minoritaires ont engagé un arbitrage contre le gouvernement fédéral, demandant des dommages-intérêts pour la perte de valeur des actions de Petrobras (la compagnie pétrolière publique brésilienne), qu’ils ont attribuée aux prétendus impacts négatifs de la corruption au sein de l’État. l’organisation, révélée par Operation Car Wash.
Le STJ a estimé que le gouvernement fédéral, bien qu’il soit l’actionnaire majoritaire de Petrobras, ne pouvait pas être contraint d’arbitrer car il ne disposait pas de l’autorisation législative pour conclure une convention d’arbitrage, même après l’adoption de la loi n° 13 129/2015.
Une correction de cap – la validité de la clause compromissoire en tant que question de bonne foi contractuelle
La décision du STJ dans l’affaire REsp n° 2.143.882/SP marque un changement notable par rapport à sa décision précédente dans l’affaire Conflit de compétence n° 151 130. Le tribunal a rejeté l’argument selon lequel les entités publiques étaient exclues de l’arbitrage avant 2015, et il l’a fait tout en affirmant que le gouvernement est également lié par la bonne foi lorsqu’il conclut des conventions d’arbitrage.
Elle a estimé que l’interprétation restrictive avancée par le gouvernement fédéral contredisait la doctrine juridique en vigueur à l’époque et s’écartait des précédents existants établis tant par le STJ que par le Tribunal fédéral. Plus précisément, il est entendu que la loi sur l’arbitrage s’applique aux contrats contenant une clause d’arbitrage, même s’ils ont été exécutés avant sa promulgation.
Avec cette décision, le STJ a corrigé son tir. Ce faisant, le tribunal a renforcé le fait que les clauses d’arbitrage contenues dans les contrats antérieurs aux modifications de 2015 restent valables et exécutoires, même pour les entités publiques. il a réaffirmé que les conventions d’arbitrage ne s’opposent pas nécessairement à l’intérêt public et que le gouvernement fédéral doit agir de bonne foi lorsqu’il conclut des conventions d’arbitrage.
Cette dernière décision du STJ protège également les attentes légitimes des parties privées qui contractent avec le gouvernement et le principe de bonne foi. Elle a estimé qu’il ne serait pas légitime pour le gouvernement de réclamer des dommages-intérêts pour rupture du contrat tout en essayant d’éviter sa convention d’arbitrage.
Le principe de la bonne foi contractuelle implique de respecter les attentes légitimes des parties à une convention d’arbitrage. Tout en admettant que le gouvernement fédéral ne peut exiger une indemnisation pour rupture de contrat tout en tentant simultanément d’invalider sa clause compromissoire, la décision a contribué à affirmer le principe de pacta sunt servanda (caractère contraignant des contrats) concernant les clauses d’arbitrage.
Ce principe est crucial pour maintenir la viabilité de la pratique de l’arbitrage et lutter contre l’opportunisme indésirable de la part des agents économiques, y compris de l’administration publique. En ce sens, les parties adhérant à la convention d’arbitrage doivent agir de bonne foi et faciliter son application, plutôt que de créer des obstacles à son efficacité, même s’il s’agit du gouvernement lui-même.
Conclusion
La décision du STJ dans l’affaire REsp n° 2.143.882/SP renforce la position de l’arbitrage au Brésil en garantissant que les entités publiques doivent adhérer aux conventions d’arbitrage, favorisant une plus grande sécurité juridique et protégeant les attentes légitimes des parties privées contractant avec le gouvernement. Cette décision contribue à freiner les comportements opportunistes et renforce le principe selon lequel les entités publiques, comme les entités privées, doivent honorer leurs conventions d’arbitrage de bonne foi, renforçant ainsi la fiabilité et l’attractivité du Brésil en tant que forum d’arbitrage.