Points à retenir de la 1ère Journée de l’arbitrage argentin ICC 2023 (Partie II)

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Ce message poursuit la couverture de la 1ère Journée de l’arbitrage argentin ICC 2023 qui est disponible en partie 1.

Panel III – Débat sur les sanctions économiques : un phénomène à fort impact

Le troisième panel a impliqué une discussion passionnante sur les sanctions économiques et leur impact sur les arbitres et les institutions d’arbitrage. Ce panel a été modéré par José Martínez de Hoz (H) (Partenaire de MHR Abogados, Buenos Aires).

Edouard Zuleta (Partenaire de Zuleta & Asociados, Bogota) et Christa Mueller (Associé de Mueller Abogados, Mexico) a commencé par reconnaître que la situation dans laquelle un avocat décide d’abandonner la représentation d’un État soulève des questions extrêmement complexes, principalement parce que le tribunal arbitral ne peut pas contraindre un avocat à rester dans l’affaire. En ce sens, M. Zuleta et Mme Mueller ont souligné que les tribunaux n’ont pas beaucoup de moyens disponibles pour faire face à cette situation, à part être patients pendant que l’État recherche effectivement un autre représentant légal. Dans le même temps, ils ont estimé que la suspension de la procédure d’arbitrage est toujours une possibilité. Cependant, la question ultime est « combien de temps devrait-il être suspendu? »

Juan-Pablo Argentato (Conseil directeur de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI) et Valeria Galíndez (Partenaire de Galíndez Arb, Sao Paulo) a abordé la question des fonds détenus par une partie directement – ou indirectement – sanctionnée et a discuté de son impact dans la procédure d’arbitrage. Entre autres, ils ont reconnu deux approches principales pour faire face à cette situation :

  1. suspendre la procédure jusqu’à ce qu’une garantie soit fournie ; autre
  2. faire avancer la procédure sans délai, en assumant un certain risque afin de préserver la célérité de l’arbitrage.

Enfin, Diego Gosis (Partenaire de GST, Miami) et Laura Sinisterra (Associé de Debevoise & Plimpton, New York) a débattu si, dans le cadre d’un arbitrage d’investissement, il est possible de considérer une sanction prononcée à l’encontre d’un Etat comme une violation d’un traité d’investissement. Se mettant à la place des États et des investisseurs, au sein d’une série de cas hypothétiques, tous deux ont identifié ce qu’il serait pertinent d’analyser dans chaque cas :

  1. qui a prononcé les sanctions ;
  2. la nationalité de l’investisseur; autre
  3. où les mesures de sanction ont été prises et où se trouvent les actifs.

Panel IV – Problèmes de corruption dans l’arbitrage : leçons apprises

Ce panel a discuté du problème de la corruption dans l’arbitrage, en se concentrant sur les cas où la corruption s’est produite avant le début de la procédure, soit pour conclure le contrat en litige, soit comme objet du contrat.

Dans une large discussion animée par Guido Barbarosch (Partenaire de Richards, Cardinal, Tützer, Zabala, Zaefferer, Buenos Aires), Ricardo Ostrower (Partenaire de Marval Mairal O’Farrell, Buenos Aires), Claudia Benavides (Partenaire de Baker McKenzie, Bogotá) et Sandra González ont noté que :

  • Une question préliminaire majeure est de déterminer le droit applicable lors de l’analyse de la corruption. Un tribunal arbitral doit-il appliquer la loi choisie par les parties, la loi du siège de l’arbitrage ou la loi du ou des lieu(x) d’exécution éventuelle de la sentence ? Le panel a présenté l’affaire bien connue de la CPI Hilmarton Ltd. c. Omnium de Traitement et de Valorisation SA (1988), dans laquelle le tribunal arbitral a d’abord déclaré le contrat d’agence nul et non avenu pour violation des lex loci solutionis (Argelia), tout en étant également contraire à l’ordre public du siège de l’arbitrage (Suisse). Plus tard, la Cour suprême suisse a annulé la sentence au motif que le droit suisse n’interdisait pas de tels contrats.
  • Les parties à un stratagème de corruption s’efforçant souvent de dissimuler toute trace de leur pratique, le standard de preuve à utiliser est « plus probable qu’improbable”. Ainsi, les tribunaux peuvent s’appuyer sur des « drapeaux rouges » (par exemplesi l’un des États concernés a un taux de corruption élevé ou si le prix du contrat est plus élevé qu’il ne le serait normalement) pour créer des hypothèses selon lesquelles la corruption a pu avoir lieu.
  • Selon la doctrine de la séparabilité, les conventions d’arbitrage incluses dans les contrats obtenus par la corruption sont valides malgré la nullité de leur contrat sous-jacent.
  • Si certaines affaires prévoient que les tribunaux ont le devoir d’enquêter sur la corruption même ex officiocela peut entraîner l’annulation ou la non-exécution de la sentence au motif que le tribunal a agi ultra petit. Cependant, la même conséquence peut se produire si les tribunaux ignorent tout indice de corruption, car l’exécution d’une telle sentence pourrait être contraire à l’ordre public de nombreux pays.

Panel V – L’Argentine en tant que siège de l’arbitrage international

Modéré par Joaquin Vallebella (Associé de Brons & Salas, Buenos Aires), le panel V a abordé le nouveau contexte juridique de l’arbitrage en Argentine, depuis la promulgation de la loi sur l’arbitrage commercial international (« ICAL”) en 2018, ainsi que la révision des sentences arbitrales dans le pays.

Federico Campolieti (Membre suppléant de la Cour de la CPI et associée de Bomchil, Buenos Aires), Maria Inés Sola (Conseiller juridique principal de Pan American Energy, Buenos Aires), Roque J. Caivano (Professeur et Arbitre International, Buenos Aires), et Mariana Lozza (Directeur des affaires internationales et du contentieux de la Procuración del Tesoro de la Nación, Buenos Aires) a analysé les facteurs pertinents pour choisir un siège arbitral. En général, ils ont convenu que des facteurs tels que la neutralité, la loi applicable, la langue et les coûts impliqués en termes d’accessibilité et de logistique (en particulier en ce qui concerne l’audition de la preuve) sont généralement pris en compte.

Ensuite, le professeur Caivano a évoqué la réglementation de l’arbitrage en Argentine, présentant un aperçu de 1820 du système dual actuel que le pays a mis en place depuis la promulgation de l’ICAL. Ce système dual comprend l’arbitrage international, principalement régi par l’ICAL, et l’arbitrage national, régi par le Code civil et commercial. et les codes de procédure provinciaux, selon le siège de l’arbitrage. Malgré certaines particularités, le professeur Caivano a souligné que les deux règlements reconnaissent les principes fondamentaux de l’arbitrage (divisibilité de la convention d’arbitrage, compétence – compétenceEtc.).

M. Campolieti a abordé l’approche jurisprudentielle de l’arbitrage en Argentine comme le « test décisif » considéré pour savoir si une législation fonctionne ou pas. En ce sens, il s’est référé à une longue liste de cas positifs impliquant le développement de l’arbitrage en Argentine concernant l’arbitrabilité objective (y compris des références à Vanger SRL c. Minera Don Nicolas SA, discuté ici), ainsi que l’examen des sentences arbitraires. Concernant ce dernier, M. Campolieti est passé par plusieurs jurisprudences (telles que l’arrêt de la Cour suprême de 2017 Ricardo Agustin López et al. c. Gemabiotech SAdisponible ici) qui a complètement renversé la doctrine Cartellone – ou « Cartellone monstre » – dans laquelle la Cour suprême s’est lancée dans un contrôle trop large d’une sentence arbitrale (lac José Cartellone Construcciones Civiles SA c. Hidroelectrica Norpatagónica SAdisponible ici).

Enfin, Mme Lozza a évoqué les derniers développements de l’arbitrage en Argentine, soulignant la réglementation existante dans le secteur des hydrocarbures (qui permet de soumettre les différends connexes à l’arbitrage dans certaines circonstances), et surtout compte tenu de la grande opportunité qu’elle offre pour le continent argentin plateau à explorer et, éventuellement, à exploiter au profit du pays.

Discours de clôture de Carlos F. Rosenkrantz : « Le rôle des juges dans l’arbitrage : nullité, reconnaissance et exécution des sentences »

Le conférencier principal de l’événement était Carlos F. Rosenkrantz (Vice-président de la Cour suprême de justice, Argentine).

Partant du principe que les autorités judiciaires doivent accroître la confiance dans l’arbitrage, le Dr Rosenkrantz a passé en revue la dernière jurisprudence de la Cour suprême argentine en la matière et a énuméré les cinq « obligations » qui devraient guider le contrôle judiciaire des procédures arbitrales :

  1. tribunaux devoir ne pas prendre ou modifier des décisions de fond adoptées dans le cadre d’une procédure d’arbitrage ;
  2. tribunaux devoir exiger des preuves de la partie alléguant un manquement à l’ordre public ;
  3. tribunaux devoir ne pas adopter une notion « large » de politique publique ;
  4. tribunaux devoir ne pas réintroduire ex officio moyens de défense qui avaient été soulevés et rejetés dans des instances précédentes comme res judicata; autre
  5. tribunaux devoir interprète conformément à l’objet et au but de l’arbitrage, qui est précisément de promouvoir le commerce international.

En conclusion, le Dr Rosenkrantz a souligné que ces cinq lignes directrices renforceraient la prévisibilité du contrôle judiciaire sur les procédures d’arbitrage, offrant de nombreux avantages à leurs utilisateurs.

Conclusion

Enfin, Maximo L. Bomchil (ancien membre de la Cour d’arbitrage de la CCI et président honoraire de Bomchil, Buenos Aires) a clôturé l’événement. La clôture a été suivie d’un cocktail dans la Grande Salle d’Honneur du Palais de la Paix, qui a nourri l’ambiance arbitrale d’un grand spectacle de tango pour clôturer ce 1St – mais (espérons-le) pas la dernière – Journée de l’arbitrage argentin ICC.

Ce poste ne reflète pas nécessairement la position des institutions, cabinets d’avocats et/ou clients auxquels appartiennent et/ou représentent les auteurs et intervenants mentionnés.

Author: Isabelle LOUBEAU